31 mai 2022

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Des Ipads pour les élèves de 6e ? Une fausse bonne idée !

Des Ipads pour les élèves de 6e ? Une fausse bonne idée !

En janvier 2022, les enseignant-es collèges de Seine-Maritime ont appris que les élèves de 6e seraient tous dotés à la rentrée 2023 de tablettes. Cette dotation représente un juteux marché public de 40 millions d’euros, finalement remporté par Apple. La multinationale américaine prompte à l’évasion fiscale, manquait sans doute d‘argent public. Au-delà des seules considérations financières, cette décision questionne beaucoup de professeurs qui craignent un cadeau empoisonné et une décision électoraliste. Le SNES-FSU a donc été reçu par la Vice Présidente du Département le lundi 23 mai pour aborder cette question et relayer les inquiétudes des collègues.

Prétextant la « fracture numérique », particulièrement pénalisante pour nos élèves les plus défavorisés pendant le confinement de 2020, le Département entend équiper chaque élève de collège – provisoirement, puisque le matériel sera à rendre à la fin du collège – d’un Ipad. Mais cela ne résout rien : les élèves qui n’ont pas de connexion internet chez eux, bien plus nombreux que ce que l’on imagine, ne pourront pas davantage se connecter. En revanche, celles et ceux dont les familles sont déjà très bien équipées, se verront malgré tout dotés d’une énième tablette. Résoudre la fracture numérique consisterait au contraire à équiper celles et ceux qui en ont besoin, à la hauteur des enjeux contemporains. Par ailleurs, la numérisation de l’école est vue comme une finalité en soi et non plus comme un outil au service de la pédagogie. Aucune réflexion critique sur l’usage du numérique, pourtant développée par de nombreux chercheurs, n’est entrée en ligne de compte.

Avec le coût financier du projet, l’impact écologique d’un tel volume de tablettes nous interroge. Métaux rares, conditions de fabrication, transport, consommation d’énergie, serveurs… tout cela a et aura un impact non-négligeable sur l’environnement. Le Département s’est étonné de cette inquiétude, qu’aucun élu n’aurait soulevée lors de la délibération, allant même jusqu’à nous répondre que les élèves pourraient utiliser ces tablettes pour mieux connaître la biodiversité et découvrir de nouveaux moyens de protéger la planète !

La question de la santé des enfants a été balayée d’un revers de main : les élèves de 6e, qui pour beaucoup n’auront que 10 ans à la rentrée, sont pourtant déjà sur-exposés aux écrans. Mme la Vice Présidente a souligné la responsabilité des parents dans cette dimension éducative, indiquant que cela ne posait donc pas problème de rajouter du temps d’écran dans les journées d’école.

Enfin, et c’est le point principal, cette décision a été prise sans concertation avec les équipes pédagogiques qui se voient imposer un outil qu’ils n’ont pas demandé. Les difficultés de gestion matérielle de l’Ipad risquent d’accentuer les problèmes déjà rencontrés dans bon nombre de collèges : perte, vol, casse, utilisation abusive, cyber-harcèlement… A l’heure où les conditions d’enseignement n’ont jamais été si dégradées dans les collèges, où les besoins en personnels humains sont criants, ajouter un outil qui va contribuer à accroître la charge de travail des AED et des CPE n’est, à coup sûr, pas une bonne idée ! L’avenir dira si ce plan est un investissement ou une gabegie financière… En attendant, il révèle les choix discutables du Département et de l’Éducation Nationale en matière d’éducation : si le Département prend soin de doter les professeurs et les principaux de collège, il laisse de côté, une nouvelle fois, les AED, les CPE et les AESH, qui ne seront pas équipés.

Quant au rectorat, il accompagne ce projet d’un gigantesque plan de formation à destination des enseignantes et des enseignants, alors même que le budget des plans académiques de formation disciplinaire a été drastiquement réduit et qu’il refuse de répondre aux besoins de formation des personnels et des équipes, sur des sujets aussi importants que l’égalité filles-garçons, que la lutte contre les discriminations, que les violences sexistes et sexuelles, pour ne citer que ceux-là. Signe que les priorités sont davantage dans la marchandisation de l’éducation avec une manne accordée aux GAFAM que dans l’intérêt des élèves.